Élysabethe cadenassa le portail et passa en bandoulière son lourd sac de voyage. Elle regarda la façade du manoir à moitié cachée par les branches nues des arbres et réprima un sanglot. Elle avait passé sa dernière journée à arpenter la vaste demeure, de pièce en pièce, remplissant malles et coffres d’objets divers qui ne lui appartenait plus.
La seigneurie n’était plus sa maison depuis la perte des titres et elle devait la quitter. Elle se retrouvait sans rien, ni demeure, ni champs, ni échoppe…qu’un sac contenant quelques vêtements, fruits et une miche de pain. À sa taille était solidement attaché une aumônière avec quelques écus, un collier donné par son mari et ses alliances. Sur la route, il valait mieux n’étaler aucunes richesses, Ély recouvrit l’aumônière des pans de sa veste et attacha son manteau. Le temps était venu de partir.
Elle recula de quelques pas, gravant dans sa mémoire l’image de la bâtisse pour qu’elle y reste à jamais. Elle entendit quelques voix y surgir, des cris s’y élever; ceux du bonheur qu’elle y avait vécu. Elle essuya une larme qui coulait sur sa joue et se retourna pour prendre l’allée qui menait au chemin. Oû irait-elle ?
Le destin aimait jouer des tours; peiner comme donner les plus grands bonheurs. La femme le savait bien sa vie en avait été parsemées depuis sa petite enfance. La silhouette d’Élysabethe avançait vers le chemin, d’un pas lent et incertain laissant derrière elle un pan de sa vie.