Élysabethe était seule dans le manoir. Les ouvriers avaient pliés bagages et la maison était enfin parée à recevoir ces habitants. Ély s'adaptait mal à tout ce faste. Le silence qui rêgnait entre ces murs la rendait mélancolique. Elle occupait ses jours en de longues promenades dans le parc et les jardins, se rendant jusqu'à l'étang situé tout au bout de la seigneurie. À son retour, elle restait souvent plusieurs heures devant l'immense porte-fenêtre de la salle de musique à pratiquer sa vièle. Maintenant qu'elle avait le loisir de le faire, elle appréciait ces instants divins où la musique la transportait ailleurs. Certains jours étaient attribués à son travail à la chancellerie comme ambassadrice ou bibliothécaire.
Il lui tardait de voir venir son tendre en cette maison qu'elle avait organisé pour lui. Il lui tardait aussi de voir s'installer quelques domestiques qui l'aiderait à faire fonctionner cet habitacle si vaste. Elle voulait entendre des voix, des bruits de pas; du mouvement.
Assise dans le petit salon, elle entendit les bruits de sabots d'un attelage. Un oeil à la fenêtre lui fit comprendre que c'était celui qui lui amenait Romain. Qu'Aristote soit loué ! Le gamin lui manquait tellement ! Quelque chose dans le regard de l'enfant l'avait appelé lorsqu'elle l'avait vu dans une rue d'Albi. Ce garçon était vif et intelligent. Élysabethe avait été piégé car elle ne pouvait plus se passer de sa compagnie. Elle avait envie de le protéger, l'aider, le laisser grandir dans l'insousciance et les rires. Elle pouvait le faire, pourquoi pas ?
Elle sortit du manoir prestement et se dirigea vers la calèche maintenant immobile. Romain se précipita vers elle. Un sourire s'emparra de son coeur. Le garnement se blottit contre ses cuisses dans l'épaisseur de ses jupes. La femme se pencha, caressa les cheveux soyeux de l'enfant et ne pu s'empêcher de poser ses lèvres sur son front. Une larme glissa sur la joue du garçon.
Tu as fais bonne route ?
Romain asquiesça d'un signe de tête. Élysabethe recula d'un pas et le prit par la main.
Viens avec moi ! Viens visiter ta maison ! Tu a sûrement faim et soif !
Étonnement, ces retrouvailles la bouleversait plus qu'elle ne l'avait cru. Elle serra la main de Romain, qui se laissa tirer, sans mots dire, jusque dans le manoir. La femme inspira un bon coup pour ne pas laisser couler ses larmes devant le petit. Elle était heureuse, elle aimait cet enfant.